
– Non, dit Catherine, qui a pourtant la réputation d'être une mangeuse de mangues invétérée.
Je m'amuse depuis des semaines à la voir regarder avec envie les fruits qui mûrissent dans les mangueraies que nous traversons au cours de nos promenades dominicales. Elle s'impatiente. C'est que la saison des mangues est pour bientôt.
– La mangue muscat, dit Oumar, même éloigné de dix mètres du plat où l'on a épluché le fruit, on en respire encore le parfum. Il attire le mangeur comme la fleur attire l'abeille butineuse. A lui de porter la première tranche à sa bouche et de la laisser fondre en fermant les yeux. La texture de la chair se défait alors doucement sur la langue, l'arôme se développe sur le palais et, comme on souffle doucement par les narines l'air que l'on a retenu un instant, le parfum gagne la tête entière et fait frissonner la peau. Le parfum intense, profond, du muscat.

A midi aujourd'hui, notre dessert était fait d'une coupe pleine de mangues fraiches.
J'ai voulu reprendre ce blog interrompu un mois durant par l'évocation d'une saveur. C'est que j'avais quitté Bamako pour un aller-retour en France d'une quinzaine de jours. Je quittai Bamako par 38° ; j'arrivai à Paris sous la neige ; je retrouvai la chaleur intacte à mon retour. Elle s'essayait même à dépasser les 40° pour nous préparer aux excès à venir en avril et en mai. Une succession de chocs trop rapide sans doute pour laisser les mots prendre place sur la page. Le goût des mangues m'y ramène, avec aussi l'attente du goût inconnu de la mangue muscat.